Si rude soit le début

Javier Marías

Gallimard

  • Conseillé par
    23 juillet 2017

    Madrid, 1980. Ses études tout juste terminées, Juan de Vere entre au service du réalisateur Eduardo Muriel, comme secrétaire particulier. Très vite, il devient son bras droit, son ''prolongement'' naturel et passe ses journées et parfois même ses nuits dans l'appartement de son employeur, rencontrant sa famille et ses amis. Impressionné et admiratif, Juan accepte tout naturellement la requête de Muriel quand celui-ci lui demande d'espionner discrètement sur l'un de ses amis, le docteur Van Vechten, pédiatre en vue qui, dans le passé, ''se serait mal conduit avec une femme, et peut-être même plusieurs'' selon la rumeur. La pire des choses selon Muriel, au grand étonnement de son secrétaire qui voit jour après jour son employeur se conduire mal avec sa propre épouse, la belle Beatriz qu'il insulte, humilie et ne touche plus malgré l'amour fou qu'elle semble lui porter. Voilà donc le jeune de Vere embarqué dans une double enquête : découvrir les agissements de Van Vechten pour le compte de Muriel et connaître les secrets de ce mariage malheureux, pour son compte personnel.


    C'est avec le recul dû à l'âge que, quelques trente ans après les faits, Juan de Vere nous raconte ses débuts dans la vie active et dans le monde, cinq ans après la mort du caudillo, au moment où l'Espagne enterrait le dictateur et avec lui les années de dictature. C'est l'heure du grand pardon et de l'oubli des crimes commis, ceux des vaincus et des vainqueurs. Pourtant, derrière les réputations blanches comme neige se tient l'ombre du franquisme et les rumeurs persistent...
    Dans son style tout en circonvolutions, Javier Marias nous mène, de détours en digressions, de répétitions en lenteurs volontaires, dans une Espagne qui s'enivre de sa liberté toute fraîche, préférant une conciliante amnésie aux règlements de compte. Cela ne l'empêche pas d'évoquer la guerre qui mit à genoux les républicains et les fit souffrir bien longtemps encore après la défaite et la movida, cette période d'effervescence et de libération des moeurs dans une société qui n'osait pas encore légaliser le divorce.
    Un roman dense, puissant, qui passionne, sait ménager un certain suspense et évoque l'amour et ses désillusions, la haine qui en est le pendant, la trahison, le mensonge et le pardon impossible. Une prose magnifique et une analyse fine et fouillée de cette société entre deux eaux qui regarde son avenir mais reste plombée par les blessures du passé. Un écrivain, un vrai !


  • Conseillé par
    12 février 2017

    La tyrannie du silence

    Auteur phare de la littérature contemporaine espagnole, traducteur, essayiste, passionné de cinéma, Javier Marias a reçu de nombreux prix dans le monde entier. Dans son dernier roman, il décortique patiemment et avec minutie les relations de couple et leur lot de mensonges et de trahisons enfouis, au moment où l’Espagne a voulu faire table rase de son passé après presque quarante ans de dictature franquiste.

    **L’envers du décor**

    Fraîchement diplômé au début des années 1980, Juan de Vere devient le secrétaire particulier d’Eduardo Muriel, cinéaste de séries B. Le jeune homme s’installe à demeure dans l’appartement madrilène de son patron, de sa femme Beatriz et de leurs trois enfants. Là, il a tout le loisir d’observer le couple qui dissimule un conflit larvé dont Beatriz est la victime résignée et Muriel le tyran obscur. Par ailleurs et en dehors de ses attributions, le réalisateur demande à Juan d’enquêter sur le passé d’un de leurs amis intimes.

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