Au cœur d'une prison marocaine

Arrêté en raison d’un projet d’enquête sur la surveillance électronique au
Maroc, j’ai passé dix mois dans la prison marocaine de Zaki, sur la base de
fausses accusations (« adultère »). Après cinq mois en prison, les autorités
m’ont poursuivi pour « atteinte à la sûreté interne de l’État », sur la base
de mon travail dans le programme Story Maker, une application conçue au profit
des journalistes d’investigation. J’ai également, à plusieurs reprises, été
tracé par le logiciel Pegasus. La prison de Zaki, située à environ 13
kilomètres de Rabat, capitale du Maroc, est l’une des plus surpeuplées et
dangereuses du pays. Affecté au bloc D, appelé communément par les prisonniers
Zebballa (la poubelle), j’ai tenu un journal dès le premier jour. La drogue et
les téléphones portables sont interdits dans les prisons marocaines, mais cela
ne veut pas dire qu’ils sont difficiles à obtenir. Cannabis, cocaïne,
psychotropes et téléphones portables, tout s’achète en échange de quelques «
dollars » (couleur des paquets de cigarettes). Grâce à ce que j’ai pu observer
et recueillir auprès des trafiquants mais aussi de ma source Shaytan (« Satan
»), un ancien fonctionnaire gradé de la prison rejeté par le système, j’ai
établi la cartographie chiffrée de ce business très fructueux. Ce livre plonge
au cœur d’un énorme trafic illégal organisé à grande échelle dans la prison de
Zaki, avec des complicités au plus haut niveau. La corruption au Maroc est
largement reconnue, mais les informations détaillées sont rares sur le sujet,
surtout à l’ombre des prisons. Hicham Mansouri est un journaliste marocain
réfugié en France. Cofondateur de l’Association marocaine pour le journalisme
d’investigation (AMJI), il a notamment collaboré avec le journal Machahid et
plusieurs ONG comme International Media Support, Free Press Unlimited et Mena
Media Monitoring, au Maroc, en Tunisie et en France. Il est actuellement
journaliste membre du comité de rédaction d’Orient XXI. Ancien résident de la
Maison des journalistes, il contribue au journal L’Œil de l’exilé et participe
aux programmes d’éducation aux médias et de sensibilisation dans le cadre du
programme « Renvoyé spécial » dans les collèges, lycées, mairies et prisons
(en partenariat avec les ministères de la Justice et de l’Éducation
nationale). Coauteur du livre La Presse entre information et diffamation :
Maroc et cas comparatifs (Freedom Now), Maroc : Zaki, la prison de tous les
trafics est son premier livre personnel.