Les invasions barbares. Une généalogie de l'histoire de l'art
EAN13
9782072309083
Éditeur
Gallimard
Date de publication
Collection
NRF Essais
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Les invasions barbares. Une généalogie de l'histoire de l'art

Gallimard

NRF Essais

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L’histoire de l’art a commencé avec les invasions barbares. Vers 1800, ces
invasions sont devenues soudainement l’événement décisif par lequel l’Occident
se serait engagé dans la modernité : le sang neuf des races du Nord, tout en
conservant l’ancien, aurait apporté un art nouveau, nécessairement antiromain
et anticlassique, et dont l’héritage était encore manifeste en Europe. Ce
récit fantastique, inséparable de la formation des États-nations et de la
montée des nationalismes en Europe, se fondait sur le double postulat de
l’homogénéité et de la continuité des peuples "étrangers" : il fit bientôt
tomber les styles artistiques sous la dépendance du sang et de la race.
L’histoire de l’art associa ses objets à des groupes raciaux en s’appuyant sur
quelques singularités visibles : tantôt leurs qualités "tactiles" ou
"optiques" les dénonçaient comme "latins" ou "germains", tantôt la
prédominance des éléments linéaires trahissait une origine méridionale, quand
le "pictural" indiquait clairement une provenance germanique ou nordique. Les
musées, pour finir, regroupèrent les productions des beaux-arts selon leur
provenance géographique et l’appartenance "ethnique" de leurs créateurs. Il
serait parfaitement vain de chercher à démontrer que l’histoire de l’art fut
une discipline raciste : elle ne l’aura été ni plus ni moins que les autres
sciences sociales qui, toutes, furent touchées ou orientées par la pensée
raciale visant à classer et hiérarchiser les hommes en fonction de traits
somatiques et psychologiques qui leur étaient attribués. Mais, montre Éric
Michaud, les liens qu’elle a tissés entre les hommes et leurs objets
artistiques ne sont pas encore tranchés : l’opinion la plus commune sur l’art
est qu’il incarne au mieux le génie des peuples. Aujourd’hui encore, sur le
marché mondialisé, la provenance ethnico-raciale exhibée des œuvres – "Black",
"African American", "Latino" ou "Native American" – donne à ces objets
d’échange une plus-value estimable. Ainsi s’expose en permanence une
concurrence des "races" qui n’est jamais que la même qui présida aux
commencements de l’histoire de l’art.
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