La partie de chasse

Isabel Colegate

Belfond

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    14 avril 2015

    La chasse aux… lords!

    La Grande Bretagne s’apprête, en ce premier quart du 20e siècle, à vivre la fin d’une époque. L’agriculture décline. La réforme rurale est en route. Les difficultés financières obligent certains propriétaires à se séparer, à louer, parfois même à abandonner leur domaine. La campagne anglaise avec « ses chaumières, son châtelain, son pasteur » va devenir un mythe.

    Pourtant en cet automne 1913, Sir Randolph Nettleby offre sur ses terres avec son épouse Minnie la chasse de l’année. Les gentilshommes du coin et d’excellents fusils ont été conviés. Glass, le garde-chasse, a rameuté ce que les environs comptent comme rabatteurs. Même Tom Harker, le braconnier, est appelé à se joindre à eux pour cet événement qui promet d’être le clou de la saison.

    Autour des Nettleby , se pressent Lord et Lady Hartlip, lui un tireur d’exception, elle une courtisane montée socialement à la faveur de son mariage, les Lilburn, lui un vrai bonnet de nuit, elle une délicate jeune femme que l’amour va frapper dans ces vingt-quatre heures, Lionel Stephens, meilleur chasseur de l’assemblée dont les qualités humaines et physiques détonnent du groupe, Sir Reuben Hergesheimer, prospère homme d’affaires juif, pas dupe pour un sou des prétentions des uns et des autres. Car sous le vernis de l’éducation et des bonnes manières se dissimulent la rivalité, la trahison, l’envie. Dès les premières heures de la journée, le drame couve. Avant le coucher du soleil, les protagonistes auront tous vu le cours de leur existence se modifier.

    Les éditions Belfond exhument fort à propos ce brillant roman paru au début des années 1980 et qui avait suscité lors de sa publication les éloges de la critique et l’engouement du public. D’une plume ciselée, Isabel Colegate scrute ce microcosme dont les convenances et l’étiquette constituaient les fondements. Incisif sans être corrosif, piquant sans être méprisant, ce texte ne cède jamais aux sirènes de la caricature. Les personnages d’Isabel Colegate ne sont pas des archétypes mais des êtres de chair et de sang avec leur passion, leur grandeur, leur contradiction aussi. Pas étonnant que Julian Fellowes qui préface la présente édition reconnaisse s’être inspiré de cette « Partie de chasse » pour « Gosford Park » et le célébrissime « Downton Abbey ». On retrouve la même bonhommie et bienveillance chez Lord Randolph et chez Robert Crawley, comte de Grantham, une morgue identique chez Lord Hartlip et chez Violet, comtesse douairière de Grantham.

    Les germes du bouleversement que va connaitre la société, l’auteur les représente sous les traits annonciateurs de Cornelius Cardew, le défenseur des animaux et Dan, le fils de Glass, qui échappera à la règle familiale pour entreprendre des études à Oxford.

    C’est un regard clairvoyant et somme toute tendre qu’Isabel Colegate porte sur ce monde qui vit ses derniers moments d’insouciance avec l’irruption de la Grande Guerre.

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