Le Cartographe des Indes boréales

Olivier Truc

Anne-Marie Métailié

  • Conseillé par
    23 avril 2019

    A peine 1 kilogramme de papier (les pages sont fines), 640 pages, une très belle couverture, la signature Olivier Truc (Le dernier Lapon, Le détroit du loup, je n'ai pas lu le dernier de la trilogie, pas encore...), il n'en faut pas plus pour me lancer et m'inquiéter moi qui n'aime pas vraiment les pavés. Et je dois dire que si je me suis totalement laissé embarquer, j'ai trouvé que la fin était longue, traînante, comme si l'auteur ne parvenait pas à trouver une fin à ses personnages, ce que je comprends, tant on s'est attaché à eux. Mise à part cette réserve, ce roman d'aventures est extra.

    Olivier Truc est un connaisseur de la Laponie et de la Suède contemporaines, et son travail sur l'histoire et notamment sur le dix-septième siècle est bluffant. Il décrit ses héros sur fond de conquêtes de nouveaux territoires, de leurs richesses (mines d'argent). Sur fond de guerres, de prises de pouvoir en Laponie entre la Suède et le Danemark et les Hollandais qui jouent les banquiers, les investisseurs gagnants à tous les coups et qui comptent bien recevoir leurs dividendes. Sur fond de royauté suédoise fragile : le règne de Kristina sera sans cesse remis en question. Sur fond d'alliances changeantes entre les pays. Sur fond de guerres de religions : les luthériens en Suède, les calvinistes en Allemagne et Pays-Bas, les catholiques en France, chacune voulant dominer l'autre voire l'écraser ; les pasteurs luthériens sont terribles de rigorisme et de d'intolérance face à tous ceux qui ne croient pas comme eux ; l'inquisition luthérienne ne fut pas plus douce que la catholique. Sur fond de sorcellerie, les chamans lapons étant vus comme tels. Sur fond d'exploitation des Lapons devenus quasiment des esclaves.

    Tout cela est formidablement écrit, avec en prime, les personnages d'Olivier Truc, Izko en tête. Pétris de liberté, engoncés dans leurs croyances religieuses qui dictent chacun de leurs gestes, parviendront-ils à vivre selon leurs désirs ? Izko parviendra-t-il à comprendre le geste de la femme qui a accouché sous ses yeux de jeune homme ? C'est ce qui va guider toute sa vie d'homme. Olivier Truc entre dans l'intime de ses héros, nous montre leurs moindres tourments qui peuvent résonner de nos jours, puisque si l’aliénation n'est plus la même -même si les religions ont encore de beaux restes-, elle persiste de nos jours sous de nouvelles formes, et depuis qu'il existe l'homme se pose des questions pour avancer.

    Les paysages sont beaux, froids, blancs. Le roman est l'un de ceux que l'on ne lâche pas aisément, l'aventure est à chaque page et Olivier Truc est un formidable raconteur d'histoires.