La transparence du temps

Leonardo Padura

Anne-Marie Métailié

  • Conseillé par
    25 mars 2019

    "A peine quelques minutes plus tard, Conde comprenait que ses réflexions sociologiques de philosophe existentiel tropical n'avaient guère d'avenir dans le pays excessif et léger où il était né, où il vivait, et dans lequel la logique ne répondait à aucune loi."

    C’est moche de vieillir et ce n’est pas Mario Conde qui dira le contraire. A l’aube de ses soixante ans, l’ancien policier a le moral en berne. Rien n’a changé pour ainsi dire à La Havane et comme beaucoup de ses concitoyens, Conde tire le diable par la queue. Quand un ancien camarade de lycée Bobby le contacte pour une enquête particulière, il ne peut refuser car c'est l'occasion pour lui de mettre un peu de beurre dans les épinards. Bobby, marchand d’art, a été délesté par son amant de presque tous ses biens dont une statue d’une Vierge noire qui selon ses dires possède des pouvoirs.

    Même si Bobby n’était pas un ami à proprement parler, la fibre nostalgique de Conde est touchée et l’idée de gagner un peu d’argent n’est pas pour lui déplaire. Bougon et un brin désabusé, il a de quoi être mélancolique car il vieillit et certains de ses amis parlent de quitter désormais le pays. La recherche de la statue l’entraîne non seulement dans des milieux d’arts mais aussi dans des trafics louches loin des beaux quartiers de la ville.
    En parallèle avec l'histoire de Vierge noire, Leonardo Padura nous plonge quelque siècle auparavant en Espagne et le contraste avec La Havane est d'autant plus saisissant avec une fracture encore plus prononcée entre les pauvres et les quelques riches. Mais l'on sent que Leonardo Perdura tout comme son personnage est attaché à son pays.

    Entre roman social, polar et roman historique, Leonardo Padura joue sur plusieurs tableaux et c'est complètement réussi. Avec des pointes d'humour et beaucoup de réalisme, ce livre distille une ambiance qui colle à la peau du lecteur de la première à la dernière page. On visualise La Havane, on est happé par la recherche de la Vierge noire et on ressent le désenchantement mais aussi la valeur de l'amitié.


  • Conseillé par
    1 mars 2019

    À l'approche de ses 60 ans, Mario Conde broie du noir, il sait bien que rien ne pourra arrêter la course du temps qui va faire de lui un vieillard bougon, ressassant ses envies avortées d'écriture. Pourtant, c'est d'un pas encore allègre qu'il se lance dans une nouvelle enquête. Contacté par un ancien camarade de lycée, l'ex-policier, reconverti en vendeurs de livres et détective à ses heures perdues, accepte d'aider ce visage du passé qui a beaucoup changé. Roberto Roque Rosell, adolescent coincé et moqué pour ses manières efféminées, est devenu Bobby, un riche marchand d'art qui affiche fièrement ses préférences sexuelles. Son dernier petit ami vient d'ailleurs de profiter d'un de ses séjours à Miami pour vider sa maison du moindre objet pouvant être revendu. Parmi eux, la Vierge de Regla qu'il tient de son grand-père catalan, une statuette de cette vierge noire vénérée à Cuba et qui selon Bobby posséderait des pouvoirs extraordinaires. Conde n'est pas homme a croire à de telles balivernes mais il est un homme d'amitié. En souvenir du passé, il part sur les traces de cette vierge qui semble semer la mort derrière elle.

    Où l'on retrouve Mario Conde à la poursuite d'une vierge venue du fond des âges. C'est l'occasion pour lui de se frotter à la corporation des marchands d'art où certains se font des fortunes en magouilles, trafics et autres usages de faux. Évoluant à mille lieues de ce monde, Conde ne peut que constater le pillage systématique que pratiquent les revendeurs organisant une fuite inéluctable des œuvres cubaines vers l'étranger. Mais ses découvertes ne s'arrêtent pas là. Ses investigations vont le mener vers les quartiers périphériques de La Havane, des bidonvilles sans eau ni électricité où vivent des clandestins venus de l'Est du pays sans autorisation officielle. Un choc pour l'ex-policier qui n'en finit pas de constater la déliquescence d'une société qui se voulait égalitaire et qui n'a su que creuser le fossé social. Mélancolique par nature, Conde ne se remet pas d'avoir surpris une misère plus terrible encore que celle qu'il côtoie tous les jours. Et ce n'est pas le départ programmé d'un de ses plus fidèles amis qui va lui remonter le moral ! Lui qui puise sa force auprès de ses complices de toujours voit d'un mauvais œil la perte d'un autre pilier de sa petite bande. Mais ce qui était avant une entreprise dangereuse et secrète se fait dorénavant au grand jour et les candidats à l'exil, toujours plus nombreux, étalent leurs projets au grand jour. Conde doit accepter que s'il a décidé de ne jamais quitter son île d'autres rêvent d'un avenir moins confiné.
    Et aux aventures de Conde s'ajoutent celles de la vierge de Regla qui n'en est pas une. Arrivée à Cuba dans le maigre bagage d'un catalan qui fuyait la guerre d'Espagne, elle n'est pourtant pas espagnole.
    Padura nous emmène en voyage à travers l'espace et le temps avec cette statuette qui a connu guerres et croisades, vénérée pour ses pouvoirs magiques... Encore une fois, il nous montre toute l'étendue de son talent et son savoir encyclopédique. Un excellent moment de lecture au côté d'un Conde toujours aussi attachant qui réussit l'exploit d'être drôle et mélancolique à la fois.


  • Conseillé par
    17 février 2019

    Cuba : rhum, café et chercheurs d’art.

    On est ravi de retrouver Mario Conde, le plus célèbre détective de La Havane, qui n’est pas au mieux de sa forme ; sur le point de fêter ses 60 ans, il se trouve décati, plus que jamais d’humeur mélancolique, même s’il est toujours entouré de ses amis fidèles et de son grand amour, la belle Tamara. Depuis qu’il a quitté la police voilà plusieurs années, il vit du commerce de livres rares et anciens, ce qui lui permet de s’approvisionner en mauvais rhum, cigarettes et café. A l’occasion, on fait appel à son flair de détective, comme cet ancien camarade de lycée devenu marchand d’art, un dénommé Bobby, dépouillé par son amant qui lui a aussi dérobé une statue de Vierge noire, un souvenir de famille auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux, un peu trop selon Mario Conde qui découvre que cette représentation religieuse provient en réalité de Catalogne et vaut davantage qu’une simple relique familiale.

    **Les pouvoirs de la Vierge noire**

    Avec cette affaire, Mario Conde s’introduit dans le milieu sans pitié du commerce d’objets d’art, où les trafiquants à la petite semaine ne jouent pas dans la même cour que les puissants acteurs du marché et se font éliminer les uns après les autres.

    Lire la suite de la critique sur le site o n l a l u